De la démocratie numérique, le livre de Nicolas Vanbremeersch alias Versac

Après avoir suscité le manque chez ses nombreux lecteurs, le blogueur Versac revient avec un nouveau blog et un livre référence sur le Web d’aujourd’hui.


delademocratienumerique2C’est avec humilité et concision que Versac nous résume en quelques pages son parcours de blogueur. Il nous rappelle sa présence sur le Web dès 1999 par le biais de la start-up qu’il avait créée puis, dès 2003, pour son célèbre blog sur lequel il a officié pendant plus de cinq ans, Versac.net. Dès lors, on entre réellement dans le cœur de ce livre qui est un essai sur le Web à mettre entre toutes les mains.

Tout au long de son ouvrage, Nicolas Vanbremeersch va faire l’effort de ne pas tomber dans le trop plein théorique, il s’efforce de toujours expliquer les choses avec pédagogie, un vocabulaire simple et illustré de cas concrets qu’il a rencontré au cours de son expérience numérique. Ainsi, il arrive à faire couler de source sa théorie des trois Web. Déjà maintes fois commentée sur internet (ici par exemple), cette théorie est très convaincante par sa simplicité. L’auteur « sépare » le Web en trois parties : le Web documentaire, le Web de l’information et le Web social et les présente sur un axe allant du statique au dynamique. En effet, pour lui, il y a « deux approches, deux moteurs qui animent différemment les logiques de publication : l’immédiateté et l’archivage. » L’archivage sur le Web sert en effet à diffuser et stocker des informations produites ailleurs.

Les trois web sont donc divisés pour Versac entre le Web documentaire : « ces millions de pages statiques, froides, ayant essentiellement une vocation d’information de référence. (…) Souvent ce qui se trouve dans le Web documentaire ne vient pas de cet espace : c’est juste une mise à disposition d’une connaissance ou de contenus venus d’ailleurs. » Il l’illustre par des projets comme Europeana ou Google Scholar mais on pourrait bien sûr penser à des initiatives comme Persee ou Revues.org. Instinctivement, on comprend ce que l’auteur entend par Web de l’information : « Le Web de l’information partage avec le Web documentaire cette approche non interactive, mais se situe dans l’actualité et le chaud. C’est ici le règne du journaliste. » Le Web social comprend dès lors tout le reste, pas seulement les blogueurs mais toutes les personnes qui partagent des photos via Facebook ou Flickr, tous ceux qui laissent des commentaires, font circuler des liens…

Au delà, de cette théorie, Nicolas Vanbremeersch nous offre une réflexion plus poussée sur l’information à l’heure du Web. Il revient bien entendu sur les blogs, mais plus précisément sur le concept de buzz, la rémunération des blogueurs, l’influence de certains… Je ne vais pas le cacher, je suis à peu près d’accord en tout point avec son analyse, notamment avec son point de départ : « La presse, très marquée par une logique de presse d’opinion au XIXème siècle, s’est muée en espace d’information plus générique, délaissant le rôle de formation de l’opinion au profit d’autres espaces. Le blog vient agir en complément : il est un lieu dans lequel, sur la base d’une information déjà abondamment disponible, prime le commentaire, le décryptage, le rebond sur ce qui nourrit l’espace médiatique »

Pour Versac, il faut sortir de l’idée que les blogueurs vivent de leur activité, c’est la cas d’une infime minorité, « La grande majorité des échanges en ligne ne sont pas ceux de blogueurs à la recherche d’argent ou de célébrité, mais bien d’échanges sereins, entre pairs. » L’autre monnaie d’échange des blogueurs est sa réputation, ainsi il « aspire à être repris par d’autres blogs, commenté en abondance » et «  se réjouit d’avoir de plus en plus de lecteurs ». Certainement poussé par les multiples fois où on a dû lui demander comment on devient un blogueur influent, Nicolas Vanbremeersch, nous donne quelques indications de ce qui fait d’un blog une référence. « Le verbe haut, une capacité à écrire, en texte, vidéo ou photo, à créer pour les autres, est une condition nécessaire », mais tenir un blog « suppose [aussi] une aptitude au dialogue, à l’explication, à la communication », « il faut également, pour se faire une place, trouver un rôle, dans les réseaux auxquels on souhaite contribuer.» Il appelle aussi et surtout à l’abondance : « le réseau social donne à ceux qui le nourrissent, pas à ceux qui s’en servent, ou espèrent simplement en bénéficier sans y entrer véritablement » et à la longévité : « la foule n’accorde que rarement son crédit en peu de temps. Devenir une autorité dans son domaine, en ligne, prend du temps, requiert de la longévité : c’est d’ailleurs principalement ce qui explique le succès de mon blog, son ancienneté dans le domaine. »

Dans sa réflexion sur la place du journalisme, une fois encore Versac vise juste : « Le journaliste conserve en partie son rôle d’expertise, de veille et de pédagogie de l’information, mais il doit désormais le partager avec d’autres et lutter au quotidien pour prouver la pertinence de son approche spécifique (…) ce nouveau journalisme de re-médiation, plus modeste et à l’écoute, marque la fin d’un magistère, mais pas celle d’une profession. Celle-ci doit s’attacher plus que jamais (et probablement plus qu’aujourd’hui!) à sa déontologie. ». Il explique, en effet, que «l’absence de barrière à l’entrée sur le marché de l’information facilite une concurrence vive, l’arrivée permanente de nouveaux acteurs, avec lesquels les médias doivent composer, contraints d’évoluer ». Il cherche aussi à tordre le cou aux idées reçues comme quoi, les blogs seraient la mauvaise version du journalisme : « le Web serait un lieu de moindre contrôle, de diffusion d’informations fausses, d’excès, de violations de déontologie, de maljournalsime. C’est l’inverse que j’observe : le Web agit souvent comme un moyen formidable d’approfondissement, de plus grand détail sur l’information, de correction plus rapide des erreurs, comme un accès approfondi, plus riche, à l’actualité. ».

Il conclut que « le mythe de l’actualité, d’un corps unique faisant le quotidien de 60 millions de personnes d’un pays, disparaît, doucement, avec les mass media. (…) la communauté politique suppose autre chose que le partage de trente minutes quotidiennes de nouvelles choisies par dix personnes ou d’une trentaine de pages de journal. ».

Toujours bien référencé, bien illustré de cas concrets, ce livre est une référence qui permettra à nombre d’entre nous de mieux comprendre le Web d’aujourd’hui sans pour autant avoir à passer par un livre technique et rébarbatif. Cet essai a pu surprendre quelques uns pour son côté prophétique et par sa volonté de mettre le Web au centre de l’espace public mais à titre personnel, je trouve cet essai tout à fait réussi, presque frustrant par son format mais toujours instructif. J’ai apprécié de retrouver le style de Versac, ainsi que tous les efforts que l’auteur a pu faire pour utiliser des mots simples et compréhensibles par tous, même les non-experts.

A titre d’anecdote, ce livre se devait d’être écrit par Versac, pour toutes les raisons que je viens de citer, mais aussi et surtout parce qu’il est une vraie référence. Une référence que je partageais en tout cas avec la personne assise à côté de moi dans le TGV. Nous ne nous connaissions pas, mais ce livre aura été le point de départ d’une conversation intéressante et agréable avec ma voisine qui elle aussi tient un blog.

7 Responses to De la démocratie numérique, le livre de Nicolas Vanbremeersch alias Versac

  1. versac dit :

    Ce qui me plait le plus dans ce compte-rendu de lecture, ce sont les dernières lignes. Juste le plaisir d’avoir indirectement contribué à la formation d’une conversation dans un train… 🙂 Merci !

  2. romainblachier dit :

    elle était jolie la voisine?

  3. ragots dit :

    c’est drôle ces types qui disent qu’ils sont sur le web depuis 1999 alors qu’on en a jamais entendu parler. Dire qu’ils sont dans leur petit microcosme à eux depuis 1999 serait plus juste. Les vrais blogueurs sont le web depuis 1993. Et comment être blogeur et ne pas être au courant d’un blogueur comme Carl de Canada ? Le seul blogueur en France à faire l’objet de 22 procès, tous en cours, et qui est trainé devant les tribunaux pour un oui ou un non. Si ce Versac n’est pas au courant, c’est qu’il n’est pas un vrai blogueur. Un autre livre qui ira au pilon.

  4. @ Versac, il est en effet rare d’avoir des conversations dans le train qui plus est intéressantes, merci d’avoir contribué à ce moment!

    @ Romainblachier, le plus intéressant dans l’histoire est que nous n’étions pas de la même génération et que nous avions tout de même un certain nombres de points communs à savoir l’amour de la cuisine et des blogs 🙂

  5. lilibox dit :

    Merci Gregory pour le clin d’œil!
    Je n’avais pas noté les références du livre, alors ce billet me sauve de mon étourderie.
    ps: je ne crois pas qu’une génération nous sépare …
    enfin on peut rêver !

  6. @ ragots. Personnellement, j’ai une connexion internet chez moi depuis 1995 et je ne m’en sens pas grandi. Quant à Versac, je crois qu’il est difficile de nier qu’il est un vrai blogueur… Il n’est pas impossible cela dit qu’il parvienne d’un microcosme mais pas n’importe lequel puisque ce microcosme a tout de même rassemblé trois millions de visiteurs…

  7. Nick Carraway dit :

    Versac, bientôt pubeux pour la SNCF ? 😉

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